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Twitter : un « gazouillis » peut-il faire 280 caractères ?

Le nombre de caractères sur Twitter en passe de changer Marseille
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L’annonce est venue du blog de la société le 26 septembre. La célèbre plateforme de microblogage est en train de tester des tweets de 280 caractères mettant fin à la sacro sainte règle des 140 caractères. Selon la cheffe de produit Aliza Rosen, l’objectif est de permettre « à toute personne dans le monde de s’exprimer facilement ». Or, condenser ses pensées dans ces limites imparties est un exercice qui peut s’avérer périlleux, l’orthographe, la syntaxe ou la grammaire étant obligés de passer par pertes et profits.

Allonger les tweets pour éviter de faire de même avec la monnaie

 

Pour l’instant, le changement est à l’essai chez un nombre restreint d’utilisateurs. De plus, il est circonscrit aux langues latines. Le Japonais, le Chinois et le Coréen ne souffrent pas de l’impératif de concision. En effet, seuls 0,4 % des tweets en Japonais atteignent la longueur limite selon une étude de la société. Ce chiffre monte à 9 % pour l’Anglais. Résultat : tweeter peut être une source majeure de frustration pour les anglophones, mais pas pour les japonophones.

Cette mesure a aussi pour but de faire sortir Twitter de l’impasse financière dans laquelle il se trouve depuis un moment. Alors qu’un réseau social comme Instagram a franchi la barre des 800 millions d’utilisateurs avec une croissance de 100 millions par mois depuis avril, Twitter stagne a 330 millions. Tous les chiffres sont au rouge. Au deuxième semestre 2017, il a enregistré une perte nette de 116,5 millions de dollars. Ses recettes publicitaires ont chuté de 9 % en un an. Le chiffre d’affaire a baissé de 4,7 %. En onze ans d’existence, la firme de San Fracisco n’a jamais dégagé de bénéfices.

 

 

140 caractères sinon rien

 

Il n’est pas sûr que ces chiffres émeuvent les twittos qui n’ont pas tardé à partager leurs réactions pour la plupart négatives. C’est à leur lecture que l’on saisit ce qui fait la singularité du réseau de l’oiseau bleu. Tour à tour ironique, frondeur (pour ne pas dire bas du front), humoristique ou simplement informatif, il existe indéniablement une manière (un art?) de s’exprimer propre à Twitter découlant de sa concision. C’est un formidable exercice de style qui pousse à la synthèse. Il évite la logorrhée pour aller à l’essentiel.

Par ailleurs, la contrainte des 140 caractères a poussé les utilisateurs à inventer de nouveaux usages. C’est pour contourner cette limite que le « thread » a été inventé, série de tweets reliés entre eux pour raconter une histoire. Depuis, il est devenu une pratique établie même si d’aucun arrivent encore à faire preuve de créativité en détournant l’outil pour écrire des fictions.

En outre, concision rime avec simplicité. Alors que les réseaux sociaux croulent de plus en plus sous les fonctionnalités, Twitter a gardé une certaine accessibilité à l’instar de son interface plutôt épurée. Après tout, tweeter c’est comme envoyer un SMS à un proche que l’on enrichit avec de l’image ou des emojis, la fenêtre sur le monde en plus. Cette comparaison est loin d’être anodine puisque la limite des 140 caractères a été calqué sur les 160 en vigueur pour les SMS lorsque la plateforme a été créée.

Certes, celle-ci est aussi (et avant tout) connue pour ses polémiques en pagailles, ses débats stériles et ses problèmes de modération. Justement, en quoi doubler la taille des messages va résoudre ces problèmes ?

 

 

Du babil à la discussion entre adultes ?

 

On serait tenté de répondre que 280 caractères ne sont pas de trop pour introduire de la nuance. La concision conduit à faire simple. Mais de la simplicité au simplisme, il n’y a qu’un pas qui est souvent vite franchi et auquel se joignent l’injure et la menace. Les lynchages récents du cinéaste Adam Wingard et du journaliste de jeu vidéo Dean Takahashi ne sont que les derniers d’une longue série. Le premier a dû fermer son compte Twitter après avoir reçu des menaces de mort pour un film supposément mauvais. Le second a été humilié suite à la diffusion d’une vidéo montrant ses piètres compétences de gamer.

Des messages plus longs permettraient alors des conversations plus rationnels car plus argumentées et écrites conformément à nos pensées et non en fonction du nombre de caractères autorisés. D’ailleurs, il est amusant de constater que « tweet » signifie en Anglais « gazouillis » qui désigne le son émis par les oiseaux mais également le babil des bébés. En doublant le nombre de caractères, s’agirait-il pour Twitter de mettre fin aux échanges immatures et nous faire passer à l’âge adulte en discutant de manière plus raisonnable ? Rien n’est moins sûr d’autant plus que rien n’obligera les abonnés à utiliser l’espace supplémentaire.

Toujours est-il que cette mesure devrait nous surprendre qu’à moitié. Depuis ses débuts, la politique de Twitter a toujours été de laisser plus d’espace aux internautes pour s’exprimer. En 2009, était introduit le « retweet » avec pour finalité de partager plus de contenu. Puis, ont été ajouté des fonctionnalités pour réduire la taille des liens. En 2015, une première entaille était faite à la règle des 140 caractères en la supprimant purement et simplement pour les messages privés. Ces derniers se voyaient alors accorder un espace confortable de 10 000 signes. Puis, en 2016, une rumeur a laissé entendre que ce changement allait affecter les tweets. Suscitant la polémique, elle ne fit pas long feu. Cette année, ce sont les mentions dans les réponses qui ont disparu du décompte du nombre de caractères.

Mais jusque là, la limite des tweets à 140 caractères avait tenu. Elle relevait de l’identité même. En franchissant le rubicon, on peut se demander si la plateforme de microblogging ne risque pas de perdre son âme en s’alignant sur d’autres réseaux sociaux, Facebook en tête.

 

 

 

Article rédigé par Thierry Randretsa

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