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Les boîtes noires en France : un débat sur la surveillance et les libertés individuelles

Internet liberté ou danger Marseille Paris
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Une boîte noire est active en France. L’information sort de la bouche de Francis Delon, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), à l’occasion d’un colloque sur la surveillance et le respect des droits humains qui s’est tenu à Grenoble.

Une mesure controversée

Les boîtes noires sont des outils permettant aux services de renseignement de capter un volume non défini de métadonnées (identifiants de connexion, date et heure du message, caractéristiques techniques de celui-ci,données relatives au destinataire…) sur internet. L’opération peut avoir lieu aussi bien au niveau de l’hébergeur, du fournisseur d’accès que du site même. L’objectif est de repérer dans ce magma de données un comportement susceptible de révéler une menace terroriste grâce à l’utilisation d’algorithmes classés secret-défense.

Les boîtes noires sont une disposition controversée de la loi sur le renseignement votée en 2015. Si celle-ci avait été adoptée à une très large majorité, elle avait fait l’objet de critiques très vives de la part des organisations de défense des libertés individuelles et des droits humains. En effet, ces boîtes noires peuvent potentiellement conduire à une surveillance de masse de l’internet français et ce, sans contrôle a priori du juge. En effet, c’est le Premier Ministre qui décide le recours à cet instrument. La CNCTR intervient mais n’émet qu’un simple avis consultatif.

Léger recul des libertés sur le web

Les boîtes noires sont emblématiques de la légère détérioration des libertés sur le net qui a eu lieu en France dans l’année qui a suivi juin 2016, selon Freedom House. Celle-ci lui attribue une note de 26 sur une échelle de 0 à 100 où 0 correspond à la meilleure appréciation : elle était de 25 en 2016. De 20 en 2014. Cette note dépend notamment des obstacles à l’accès au web et des limitations sur le contenu.

Or, le rapport constate une hausse importante des demandes de blocage de site de la part des autorités françaises (874 de mars 2016 à février 2017 contre 312 pour la même période l’année précédente). Le détail de ces requêtes n’est pas connu et certaines ont été contestées par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL). En outre, on constate une augmentation du nombre de contenus supprimés ou désindexés justifiés en raison de leur lien avec le terrorisme ou la pédopornographie. Là encore, une poignée de ces mesures ont été contestées par la CNIL.

L’étude de Freedom House revient également sur l’état d’urgence et les lois votées qui pénalisent l’apologie du terrorisme en ligne. Une disposition permettait notamment de condamner jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende toute personne visitant fréquemment des sites glorifiant ou incitant à des actes terroristes à moins que ces consultations soient faites de « bonne foi », en relevant du journalisme ou de la recherche universitaire. Le Conseil Constitutionnel a censuré cette mesure au motif que la notion de bonne foi manquait de clarté et que la loi n’était pas « nécessaire, adapté et proportionné ». Pour autant, le délit de consultation de sites terroristes est revenu sous les traits d’une version amendée. Les conditions sont la visite « habituelle » de ces sites et la « manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service ».

Par ailleurs, ces dernières années en France ont été marquées par le débat sur le droit à l’oubli. À ce titre, Google a été sanctionnée à payer une amende de 112 000 dollars par la CNIL pour ne pas avoir satisfait à une demande relative à ce droit. La firme de Mountain View a contesté cette décision devant le Conseil d’État qui a lui-même déféré à la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Enfin, les limites portées à l’accès au contenu ont été le fait des fausses informations qui ont émaillées les dernières élections présidentielles. Le rapport parle d’un « déluge de fake news » avec 30 000 comptes créés automatiquement à cette fin. Le 5 mai 2017, la campagne du candidat Emmanuel Macron a été marquée par une fuite de documents confidentiels dont certains ont été mélangés avec des informations erronées.

Article rédigé par Thierry Randretsa

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