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État des lieux des violences faites aux femmes en ligne et des moyens pour y mettre fin

Cyberharcèlement des femmes
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Si l’affaire Weinstein a permis de libérer la parole des victimes de harcèlement et d’agression sexuelle sur les réseaux sociaux avec les hashtags #metoo et #balancetonproc, le cyberharcèlement est encore loin d’être traité à sa juste mesure par les pouvoirs publics et les plateformes numériques.

Des violences en ligne d’ampleur contre les femmes


C’est ce qui ressort du dernier rapport du HCE intitulé « En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes ». Le constat vaut pour la France comme pour le reste du monde. Ainsi, un rapport de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de 2015 indique que 73 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences en ligne. 18 % affirment avoir fait face à une forme grave de violence à distance. Selon une « Cartographie de l’état de la violence en ligne contre les femmes et les filles en Europe » du Lobby Européen des Femmes, neuf millions de filles ont déjà été victimes d’une forme de violence en ligne à l’âge de quinze ans.

Trouvant leur fondement dans la domination masculine, ces actes sont la continuation de la violence séculaire subie par les femmes par d’autres moyens : selon le Lobby Européen des Femmes, elles sont 27 fois plus susceptibles d’être harcelées en ligne que les hommes. Toutefois, le cyberharcèlement présente des spécificités qui lui sont propres.

L’effet démultiplicateur du numérique

Ainsi, les violences en ligne peuvent être définies comme « toutes les formes de violences qui s’exercent au moyen des outils numériques (ordinateur, téléphone mobile, etc.) et/ou sur les espaces numériques, tels que les sites internet ou les applications de réseaux sociaux, forums, blogs et jeux vidéo, dont les jeux multijoueurs, ainsi que les messageries électroniques (mails, texto, etc.) ».

À ce titre, les outils numériques fournissent des moyens de contrôle social sans précédent pour tout un chacun. C’est notamment le cas de la surveillance opérée par un conjoint violent sur sa conjointe dans un couple. On parle alors de cybercontrôle. Le numérique offre alors toute une panoplie d’outils faciles d’accès permettant de surveiller le moindre fait et geste de sa partenaire. Cela passe par des traceurs GPS pour géolocaliser le smartphone, des dispositifs Keylogger pour enregistrer des mots de passe et divers objets enregistreurs pour, par exemple, filmer une activité. En Grande-Bretagne, selon le Women’s Aid, sur les 85 % des femmes accueillies par l’organisation et ayant subies des violences dans la vie réelle et dans la vie numérique, 29 % l’ont été par le biais de logiciels de géolocalisation et de surveillance. Selon une enquête menée auprès des centres d’hébergement des femmes victimes de violences au sein du couple aux États-Unis, 75 % des femmes victimes de violence en ligne attestent de l’emploi de logiciels pour espionner leurs conversations téléphoniques par leur agresseur.

Néanmoins, il n’est pas nécessaire de se procurer des instruments spécifiques comme le montre la pratique du revenge porn. Celle-ci consiste à diffuser des images intimes à caractère sexuel pour humilier une personne. De manière plus générale, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche permettent d’accroître l’emprise du conjoint violent sur sa conjointe contribuant à isoler cette dernière, la culpabiliser et à instaurer un climat de peur et d’insécurité.

Le numérique au service du cyberharcèlement


Autre avantage du numérique : l’anonymat. Celui-ci renforce le sentiment d’impunité de l’agresseur qui pense ne pas pouvoir être détecté. De plus, l’anonymat engendre un « effet cockpit » qui libère une violence qui n’aurait peut-être pas lieu d’être si celui qui en est à l’origine s’exprimait sous sa véritable identité. À cela s’ajoute la forte exposition des victimes liée à leur présence sur les réseaux sociaux, exposition d’autant plus marquée que ces derniers sont encore peu réactifs face au phénomène. Ainsi, selon un testing réalisé par le HCE, le collectif « Féministes contre le cyberharcèlement », la Fondation des femmes et l’association « En avant toutes » en juin et juillet 2017, seuls 7,7 % des 545 contenus signalés sur Facebook, Twitter et Youtube ont été supprimés. Si les menaces de violences crédibles sont généralement écartées par ces plateformes, il n’en est pas de même pour les propos sexuellement explicites ou l’incitation à la haine sexiste dont les contenus restent publiés dans la plupart des cas.

Résultat : une femme victime de harcèlement en ligne sur cinq déclare avoir fermée un compte en ligne pour se protéger. Précisons que le harcèlement sexiste peut se définir comme une « manifestation du sexisme qui affecte le droit à la sécurité et limite l’occupation de l’espace public par les femmes et leurs déplacements en son sein ». Il se caractérise par « le fait d’imposer tout propos ou comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi atteinte à la dignité de la personne ».

Autres chiffres sur l’état du cyberharcèlement : 41 % des femmes de 15-29 ans affirment qu’elles s’autocensurent en ligne pour éviter d’être harcelée selon une enquête de l’America Measuring Cyberabuse de 2016. En France, une enquête d’Opinion Way révèle que 8 % des personnes interrogées âgées d’au moins 18 ans ou leurs proches ont déjà subies du cybersexisme, dans une proportion de 10 % de femmes et de 6 % d’hommes. Au niveau européen, le rapport «Cyber Violence against Women and Girls » du UN Broadband/Commission for Digital Development Working Group on broadband and Gender montre, entre autres, que 46 % des femmes ont reçu des emails ou des textos sexuellement explicites d’un inconnu. 73 % ont fait l’objet d’avances inappropriées sur les réseaux sociaux, là encore de la part d’une personne qu’elles ne connaissaient pas.

Des conséquences néfastes sur la santé des victimes


Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de contact physique que ces violences en ligne n’ont pas d’effets sur la santé. Encore mal connus, ils sont pourtant susceptibles d’affecter gravement la psychologie des victimes avec l’installation d’une mémoire traumatique, des conduites d’évitement et de contrôle ou encore des conduites à risque dissociantes pour s’anesthésier (comme des troubles alimentaires). Un tiers des victimes de cyberharcèlement présente tous les symptômes du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) que l’on retrouve chez 80 % des victimes de viols, selon le Collectif « Féministes contre le cyberharcèlement ». C’est sans compter les répercussion négatives sur la vie sociale, affective et sexuelle.

Dans les cas les plus graves, le cyberharcèlement mène au suicide. Selon une consultation menée par l’UNICEF France en 2014, le risque de tentative est 3,17 fois plus élevé chez les jeunes victimes de cette pratique.

Les recommandations du HCE


Pour mettre fin à l’impunité des violences faites aux femmes en ligne, le HCE énonce une vingtaine de recommandations.

En premier lieu, elles visent la prise de conscience de l’ampleur et de l’impunité des violences faites aux femmes en ligne, et la nécessité de faire évoluer le droit. Pour cela, il est urgent de mesurer cette violence. Par exemple, il s’agit de comptabiliser et de publier un certain nombre de données ayant trait à la dénonciation et à la condamnation des violences faites au femme en ligne comme les signalements réalisés auprès des réseaux sociaux ou encore les plaintes et les mains-courantes déposées auprès des commissariats de police et de gendarmerie.

En outre, un rappel de la loi n’est pas de trop pour dire que l’injure sexiste, les menaces de viol et autres violences sont interdites. Le rapport est favorable à des évolution juridiques à la marge. Il prévoit entre autres le droit absolu à l’effacement des données personnelles (le droit à l’oubli) pour les personnes majeures et l’allongement du délai de prescription des délits de presse que sont les injures publiques et les incitations à la haine.

En deuxième lieu, le HCE estime qu’il faut faire connaître les moyens de la lutte contre le cybercontrôle au sein du couple et les renforcer. Les associations, la police, la gendarmerie ainsi que les professionnels du droit n’ont pas encore pleinement intégrés la place que joue le numérique dans les violences faites aux femmes. Ainsi, le rapport préconise la création d’un guide spécifique sur la protection contre le cybercontrôle pour le personnel qui accueille les victimes.

De son côté, l’industrie des technologies de l’information et de la communication doit prendre conscience des méfaits de leurs logiciels de surveillance et prévenir leur utilisation malveillante.

En troisième lieu, le HCE se fixe comme objectif la fin de l’impunité du harcèlement sexiste et sexuel en ligne. Pour ce faire, il demande la collaboration pleine et entière des plateformes numériques, notamment pour renforcer leurs procédures de signalement en automatisant, par exemple, le repérage et la suppression des contenus sexistes les plus graves. Elles pourraient s’inspirer de l’application Yellow. Celle-ci est gérée par des algorithmes capables de détecter des contenus racistes, haineux, pornographiques à partir d’une liste de mots liés à un discours de haine, à caractère explicitement sexuel ou discriminatoire et dressée en amont.

La vitesse du traitement des signalements doit être revue à la hausse. Pour l’instant, le plus rapide est Facebook avec 48 heures, alors que le HCE aimerait que cela soit fait dans les 24 heures. De même, la modération sur les réseaux sociaux doit être améliorée. À cette fin, des associations féministes pourraient être érigées en « tiers de confiance ».

La fin de l’impunité passe aussi par un travail d’éducation et une action au niveau des ministères de l’intérieur et de la justice afin de faciliter la dénonciation des auteurs et leur condamnation.

En dernier lieu, le HCE recommande une politique de soin des femmes victimes de violence en ligne. Leur prise en charge à 100 % est notamment conseillée.


Article rédigé par Thierry Randretsa

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