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Le déclin des casques VR : entre promesses et désillusions

casque de réalité augmentée marseille
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Bas les casques

 On y a cru pourtant.
En effet, la VR est revenue de loin. Rappelez-vous des années 90. Le Cobaye, Strange Days et Matrix premier du nom cartonnent au cinéma. On nous promet des mondes virtuels à portée de casque. C’est l’époque des expériences grand public proposées par le Futuroscope à Poitiers avec des appareils démesurés et lourds à placer sur nos têtes. Tout ça pour se retrouver avec des graphismes sommaires et un défilement d’images saccadé. Dominant le marché du jeu vidéo, la firme japonaise Nintendo décide de sortir un casque virtuel de salon : le Virtual Boy.


C’est la douche froide !

La plupart des jeux ne proposent pas de vrai 3D (mais de la 2D avec un effet de profondeur). Pire : les graphismes ne sont composés que de deux couleurs, le rouge et le noir. Bref, le résultat est loin d’être convaincant d’autant plus que l’ergonomie se révèle peu pratique (on doit poser sa tête sur une espèce de pieds).

Autant dire que, face à ce fiasco, les joueurs n’ont pas quitté leurs manettes.

Des promesses… toujours des promesses

 

Année 2016 : trois constructeurs lancent coup sur coup leur casque de réalité virtuelle.

Cette fois, ça y est, on tient le bon bout ! De l’eau est passée sous les ponts : la technologie est mûre pour s’immerger dans des mondes irréels. Et puis, ce n’est pas n’importe qui derrière : que ce soit le Taiwanais HTC, l’Américain Facebook ou le Japonais Sony, on retrouve trois poids lourds de l’industrie des nouvelles technologies. L’ensemble est d’autant plus prometteur que tous les publics sont concernés :

  • le HTC Vive et l’Oculus s’adressent à une clientèle fortunée et disposant d’un PC performant ;




  • le PSVR vise les possesseurs de Playstation 4 et, plus généralement, les budgets plus modestes.




Il ne faut non plus oublier des outils encore plus accessibles qui vous permettent de vivre des expériences en VR à l’aide de votre seul smartphone. Impossible, à ce titre, de ne pas citer le Google Cardboard, très « do it yourself » dans l’esprit. « Expérience » car il n’y a pas que du jeu. La technologie recèle des vertus éducatives ou sanitaires insoupçonnées. Elle vous permet de « vivre dans la peau » d’une personne déficiente visuelle, d’un oiseau qui vole, d’un schizophrène, d’un combattant en plein théâtre des opérations… La réalité virtuelle ouvre le champ des possibles à l’image de « The Void », une expérience à l’immersion totale puisque l’environnement physique est calé avec ce que l’on voit dans le casque. De plus, les utilisateurs sont bardés de capteurs leur permettant de ressentir physiquement ce qui se passe devant leurs yeux ébahis.

Réalité virtuelle, échec réel

Seulement voilà, le compte n’y est pas. Prenez le HTC Vive, la « Rolls » des casques VR. Il ne se serait écoulé qu’à un peu plus de 190 000 unités au premier trimestre 2017. Connaissant des difficultés dans ses autres secteurs d’activité, la société taïwanaise envisage de se séparer de celle relative à la réalité virtuelle pour la vendre à Alphabet, la société mère de Google. La situation n’est guère plus reluisante pour l’Oculus dont Facebook a écoulé 99 300 unités sur la même période. Seul Sony s’en sort avec 429 000 ventes et le premier million franchi cet été. Cependant, cela reste insuffisant. Par comparaison, la console hybride de Nintendo, la Switch, s’est vendue à plus de cinq millions d’exemplaires alors que sa sortie ne date que de mars 2017.

Premier élément d’explication au « bide » de la réalité virtuelle : les prix pratiqués prohibitifs. Même en se cantonnant à l’offre « low cost », vous devez débourser au minimum 800 euros pour un PSVR, une caméra et une console PS4 Pro auxquels vous devrez ajouter quelques billets pour vous procurer des jeux et des accessoires (comme les PS Move afin de rendre l’expérience plus immersive). Ne parlons pas du HTC Vive qui, après sa récente baisse de prix, coûte tout de même 700 euros sans compter un bon millier à investir dans un PC aux performances décentes pour faire tourner une technologie gourmande en puissance de calcul.

Et alors ? Me direz-vous. « Quand on aime, on ne compte pas ». Sauf que les expériences en VR proposées aujourd’hui sont loin d’être concluantes. Si beaucoup de joueurs ont fait part de leur enthousiasme en raison du sentiment d’immersion procuré, d’autres rapportent un nombre conséquent de problèmes dont la cinétose n’est pas le moindre. Appelé également « motion sickness », ce mal se traduit par des nausées et des maux de tête. Il est engendré par l’incohérence entre les mouvement que vous voyez au travers du casque et la position immobile de votre corps. Il est aussi lié à d’autres problèmes comme la latence entre les mouvements de tête et l’affichage à l’écran.

Ces problèmes démontrent que la technologie n’est pas encore au point : difficultés d’installation, présence de câbles perturbant l’expérience utilisateur, casque lourd, détection défectueuse des mouvements... Faudra-t-il attendre encore des décennies comme dans les années 90 ? Peut-être. En tout cas, les experts estiment qu’il faut cinq ans minimum pour avoir une réalité virtuelle digne de ce nom. La preuve est que les graphismes proposés aujourd’hui sont loin des standards actuels sur les jeux « non VR ». Comment prétendre à une « réalité » même « virtuelle » si visuellement vos jeux datent de la précédente génération de console ?

Et encore, si ce n’était que ça. La Switch a prouvé que le photoréalisme n’était pas la condition sine qua non du succès. Or, le problème de la VR est justement de ne pas avoir la « killer app » ou le « system seller » le rendant incontournable comme le sont Zelda Breath of Wild, Mario Kart 8, Arms ou encore Splatoon 2 sur la dernière console de Nintendo. Certes, on trouve un certain nombre de réussites (Job Simulator, Resident Evil 7…) mais pour l’instant l’offre se limite souvent à des expériences de courte durée. Elle ne peut pas non plus se prévaloir de la convivialité puisque la VR se pratique en général en solo même si des jeux comme Werewolves Within ou Star Trek : Bridge Crew ont prouvé le contraire.

En définitive, la réalité virtuelle est à la croisée des chemins. Dans le dernier rapport de l’institut Gartner sur le cycle de la hype qui mesure le niveau de maturité des nouvelles technologies, elle est en phase d’ « état de grâce » c’est-à-dire que l’on commence à saisir son potentiel pour en tirer une utilisation concrète. Le marché est appelé à se développer progressivement pour toucher dans deux à cinq ans le grand public. Or, d’ici cette échéance, on nous promet une image de bien meilleure qualité (de la 4K), l’exploitation de nouveau sens comme le toucher (avec la 4D), une ergonomie sans fil… rendant l’expérience encore plus réaliste. Plus près de nous, Microsoft va commercialiser ses casques de VR en fin d’année (les « Windows Mixed Reality ») et il n’est pas impossible que Nintendo se lance dans la bataille.

Mais un nouvel échec n’est pas à exclure si la VR est incapable de tenir ses promesses et si elle est supplantée par des technologies à la fois plus accessibles et performantes.

Article rédigé par Thierry Randretsa

 

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