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Facebook fait-il la différence entre l’art et la pornographie ?

Facebook censure nudité Marseille
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Rappel des faits. Frédéric Durand-Baïssas est Professeur des écoles. En 2011, il partage sur son mur Facebook une photo du tableau de Gustave Courbet « L’Origine du monde ». L’œuvre représente le sexe et le torse d'une femme allongée nue sur un lit. Ses cuisses sont écartées. Le cadre s’arrête au niveau de la poitrine et des cuisses. Outre l’image, le contenu posté par Durant-Baïssas renvoie à un reportage de la chaîne culturelle Arte narrant l’histoire de ce tableau. L’objectif de l’usager est alors de « transmettre sa passion pour l’art ».

Une clause exclusive de compétence « abusive »


Plus tard, il se rend compte que son profil a été supprimé. Il demande alors à Facebook sa réactivation. Sa requête n’étant pas suivie d’effet, il assigne la plateforme en justice pour atteinte à la liberté d’expression le 4 octobre 2011. Il l’accuse d’avoir fermé son compte « sans avertissement ni justification » et demande qu’il soit à nouveau accessible.

Depuis, 7 ans ont passé. 7 ans au cours desquelles Facebook a contesté la compétence territoriale des juridictions françaises. Autrement dit, l’affaire devrait relever des tribunaux californiens. Sauf que le tribunal de grande instance de Paris en a décidé autrement dans une ordonnance rendue en mars 2015, confirmée un an plus tard par la cour d’appel de Paris. La clause exclusive de compétence réservant aux seules juridictions californiennes le droit de trancher tous litiges relatifs au réseau social a été jugée « abusive ».

Parallèlement, de l’eau a coulé sous les pont. Frédéric Durand-Baïssas a tenté de restaurer son compte à plusieurs reprises. En vain. Les avocats de la société expliquent que les données des profils supprimés disparaissent au bout de 90 jours. En outre, Facebook a mis un peu d’eau dans son vin en autorisant la nudité dans le cadre d’un travail artistique.

Règles d’utilisation vs liberté d’expression


Maintenant que le débat sur la compétence territoriale a été tranché, l’avocat du plaignant se félicite que la justice se penche enfin sur le fond. Selon ses termes, la suppression du tableau est un acte de censure et « une attaque contre la démocratie ». Il invoque même la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce n’est pas tout. Stéphane Cottineau, l’avocat de Frédéric Durant-Baïssas, invoque un préjudice moral. La suppression de son compte aurait entraîné une suspicion de ses amis au sujet de ses mœurs. C’est pourquoi il demande 20 000 euros de dommages et intérêts.

De son côté, la société demande un euro symbolique pour l’atteinte portée à son image et à sa réputation. Ses avocats jugent la plainte « abusive ». Ils en veulent pour preuve que, depuis, le professeur a créé un deuxième compte sur lequel il a notamment publié un cliché de « L’Origine du monde ». Dès lors, ce procès ne serait qu’un moyen pour lui de faire du bruit médiatique. Pour eux, le débat ne doit pas porter sur la liberté d’expression mais sur les règles d’utilisation de Facebook. En l’occurrence, celles-ci n’ont pas été respectées car le profil de Frédéric Durand-Baïssas était un compte sous pseudonyme.

Un argument que son avocat renvoie à la plateforme. En effet, le premier compte a pu exister deux ans et demi et a soudainement disparu après la publication du tableau. De plus, le second profil est également sous pseudonyme et demeure toujours actif : pourquoi n’a-t-il pas été supprimé ?

Des précédents


Quels que soient les motifs allégués par le réseau social, le fait est qu’il a souvent eu des problèmes avec la nudité et l’art. Peu avant le cas français, c’est un artiste danois, Frode Steinicke, qui s’est vu exclure de la plateforme, là encore pour avoir posté une photographie du tableau. Elle accompagnait les commentaires de l’artiste lors d’une émission de télévision. Son profil est finalement revenu, expurgé de toute trace de l’oeuvre. D’ailleurs, plusieurs pages Facebook lui étant consacrées ont été supprimées suite à cet événement.

Dans un autre genre, c’est la célèbre photographie en noir et blanc de la petite fille nue et brûlée au napalm prise le 8 juin 1972 à Trang Bang, symbole de la guerre du Vietnam, qui a subi les fourches caudines de l’administration de Facebook en 2016. L’affaire n’est pas passée inaperçue puisque, en l’espèce, c’est le compte de la Première Ministre norvégienne, Erna Solberg, qui a été censuré ! Le réseau social est finalement revenu sur sa décision en autorisant le cliché.

S’agissant de Frédéric Durand-Baïssas, le verdict est attendu pour le 15 mars.


Article rédigé par Thierry Randretsa

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