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Tendances

Lutter Seriously contre les discours de haine en ligne

Combattre les discours de haine sur internet Marseille
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Le projet repose sur un constat : la montée des discours de haine en ligne et l’inefficacité des moyens traditionnels (notamment juridiques) pour l’endiguer. Si Internet a ouvert la voie à une « véritable démocratie délibérative » en permettant à tout un chacun de s’exprimer, il a « libéré la parole » pour le meilleur mais aussi pour le pire. Dans une note publiée en juillet 2017 intitulée « Agir face à la haine sur Internet dans une société collaborative », le Think Tank affirme que « la dimension virale et universelle que donne Internet aux propos haineux apporte une complexité nouvelle et implique de définir de nouvelles approches ».

 

De là est né l’idée de Seriously qui se présente comme « la plateforme qui vous donne des arguments pour désamorcer les discours de haine sur internet ». Il est le fruit d’une démarche collaborative à laquelle participent une centaine d’associations et d’experts. Financé par Google, Facebook et Twitter, Seriously ne bénéficie d’aucune subvention publique. De manière générale, il n’a aucun lien avec le gouvernement. La version disponible actuellement ne serait que la première. Plusieurs grands groupes français seraient intéressés par le projet.

 

 

Des catégories problématiques

 

La première chose qui frappe lorsqu’on lance Seriously est la sobriété de l’interface. On rentre dans une zone de saisie le commentaire auquel on souhaite répondre. Première déconvenue : en tapant sur « Entrée », on s’attend à obtenir une réplique bien sentie à l’instar des résultats de recherche pertinents produits par Google. Il n’en est rien puisqu’on se retrouve à devoir préciser le sujet dont relève le propos.

À quoi bon taper une requête si le site n’est même pas capable de la qualifier ?

Seconde déconvenue peut-être plus embarrassante : le nombre limité de catégories proposées. En effet, on n’en dénombre que six : antimusulman, antisémitisme, désinformation, homophobie, sexisme, xénophobie. Dès lors, une question vient immanquablement à l’esprit : les discours de haine se limitent-ils vraiment à ces sujets ? On se demande pour quelle raison certaines catégories de la population ne sont pas représentées. Quid du racisme subi par les populations originaires d’Afrique subsaharienne ? Et celles d’origine asiatique ? Et les Roms ? Etc. Les discours de haine étant répartis en plusieurs catégories, il aurait été peut-être judicieux d’être le plus exhaustif possible sous peine d’être accusé, au mieux, de partialité.

Celles et ceux qui n’ont pas été pris en compte n’ont d’autres choix que de cliquer sur le sujet « autre » qui conduit à… un message d’excuse plutôt maladroit puisque la personne « autre » apprend que les concepteurs du site n’ont pas encore « les réponses à tous les types de haine ». Mais elle doit être soulagée d’apprendre que « les rubriques que nous ouvrirons prochainement concerneront le racisme et la désinformation » (alors que ce sujet existe déjà). Toutefois, le site essaie de garder bonne figure en proposant « dès à présent des conseils pertinents pour répondre aux discours de haine en ligne ».

Bref, en l’état, le site semble encore être en construction ce qui entame quelque peu sa crédibilité.

 

 

Une boîte à outils rhétoriques

 

Si le sujet a bien été traité par le site, Seriously met à votre disposition des outils rhétoriques. Tout d’abord, cela passe par un rappel salutaire de la loi et des définitions applicables. Cela s’accompagne de l’énoncé d’une multitude de faits censés étayer votre argumentation. Ce sont aussi bien des citations, des chiffres, des statistiques ou des dates. Là réside le point fort de la plateforme qui tire parti de la réticularité du web pour sourcer ces informations. Mieux, il est possible de les publier directement sur les réseaux sociaux ou les garder pour plus tard en les copiant dans son presse-papier. Pour le coup, le nombre d’arguments disponibles est plutôt conséquent même si nous avons constaté que certains étaient utilisés pour plusieurs sujets. Parfois, ils n’ont rien à voir avec les propos concernés. Par exemple, nous avons pu avoir une statistique sur les réfugiés syriens pour... des propos antimusulmans.

Après l’étude du fond, Seriously s’intéresse à la forme. Parfois, un trait d’esprit ou une formule bien aiguisée peut être plus désarmant, voire convaincant, qu’un argumentaire bien ficelé. Cela est notamment le cas sur les réseaux sociaux qui valorisent les messages courts comme Twitter. En l’espèce, Seriously offre un panel de recommandations plutôt exhaustif :

  • Vous êtes sous le coup de l’émotion ? Prenez votre temps et garder votre sang froid.

  • Vous faites face à des généralités ? Procédez à leur déconstruction.

  • Préférez le vouvoiement au tutoiement.

  • Interrogez votre interrogateur sur ses sources.

  • Savoir utiliser l’humour.

  • Signalez les personnes qui tiendraient des propos manifestement illicites.

  • Ne pas insister face à des personnes trop violentes ou idéologisées...

Enfin, une page propose des ressources visuels pour « approfondir et étayer votre argumentation » entre infographies, slogans prônant la tolérance, vidéos explicatives et extraits de reportage. Si cela ne suffit pas, un message invite à contacter le site si le contenu proposé ne répond pas à nos besoins.

En définitive, si l’initiative pédagogique est à saluer, Seriously souffre encore de nombreuses insuffisances pour être réellement convaincant. Tant que son moteur de recherche ne sera pas véritablement effectif (ce qui semble être le projet à terme), le site se réduira finalement à un agrégat de ressources plus ou moins correctement ordonnés. À cet égard, un Wikipedia ou même un Google remplissent déjà parfaitement cet office.

 

 

Article rédigé par Thierry Randretsa

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