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Quand de faux traders s’inventent une vie de riche sur Instagram

#richkidsofinstagram : nouvelle tendance
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Jamais, il n’a paru aussi simple de gagner beaucoup d’argent si on en croit les Internets. Nombre de Youtubers et de blogueurs rivalisent en « clickbait » pour vendre au premier quidam venu la méthode infaillible pour amasser des millions, au choix, grâce à son site web, son commerce en ligne, sans travailler, en étant jeune…

Argent facile sur Insta

Cela est encore plus vrai sur les réseaux sociaux où, non contents de prodiguer des conseils, les influenceurs peuvent afficher les preuves de leur succès. En Grande-Bretagne, Instagram est notamment devenu le lieu des jeunes riches se présentant comme des cadors de la bourse. Leur héros ? Jordan Belfort, le financier sans scrupule dont la vie tumultueuse a été portée à l’écran par Martin Scorcese dans le « Le loup de Wall Street ». Leur méthode ? Se présenter comme des experts de la finance capables de gagner beaucoup d’argent rapidement. Leur produit favori ? Les options binaires. Attractifs et simples d’accès, ils permettent d’investir une certaine somme d’argent sur un actif et de parier sur la hausse ou la baisse de son prix… Ils appartiennent à la même famille que le spread betting qui, selon le Sénat français, est une « forme de pari dans lequel le joueur ne pronostique pas que l'événement sur lequel il parie se réalisera ou non, mais que cet événement, nécessairement quantifiable, se situera au-dessus ou au-dessous d'un intervalle donnée ».

Le succès de ce type de produit est indissociable de l’expansion des logiciels de trading en ligne. Il s’est fait connaître auprès du grand public avec des sociétés comme 24Option qui a sponsorisé le combattant d’arts martiaux mixtes Conor McGregor ou l’équipe de football de la Juventus de Turin. Si cette entreprise est légale, ce business a généré tout un pan d’activités frauduleuses. Le produit est tellement volatile qu’il a été interdit aux États-Unis. Mais en Grande-Bretagne, il est toléré même si, depuis janvier 2018, il est sous le radar de la Financial Conduct Authority.

À l’instar de Belfort, ces jeunes « financiers » ont adopté le même mode de vie  bling bling, visible par tous sur le fameux service de partage de vidéo et de photo. Pour être sûr de ne pas les rater, ils disposent de leur propre hashtag : #richkidsofinstagram. Elijah Oyefeso est l’un d’entre eux. Suivi par des milliers d’abonnés, il distille ses conseils sur les réseaux sociaux dans le domaine de la bourse, entrecoupés de publications où il pose à côté de voitures de luxe. Il a commencé en 2014 alors qu’il n’avait que 21 ans. Le succès est venu après un passage à la télévision où il est devenu un modèle pour de nombreux jeunes en quête de gloire et d’argent facile. Il est aujourd’hui le fondateur d’une société de trading, DCT (pour « Dreams Come True »). Son credo ? Promettre à son audience la possibilité de gagner de l’argent facilement grâce au trading.

Une réalité autrement moins reluisante

Sauf que la réalité fait nettement moins rêver. Oyefeso n’est pas l’as de la finance qu’il prétend être. Ses publications Instagram ne sont que de la poudre aux yeux cachant des aspects moins reluisants de son parcours comme le fait qu’il ait déjà fait plusieurs fois de la prison. Son entreprise n’est même pas enregistrée au registre du commerce et des sociétés. Son existence se limite à un site web et quelques pages sur les réseaux sociaux : elle ne dispose même pas de bureau.

En réalité, il travaille pour des plateformes de paris financiers comme 24Option ou la sulfureuse Banc de Binary (interdite dans plusieurs pays et qui a, depuis, cessé toute activité de trading) qui le paient pour recruter des jeunes sur les réseaux sociaux. Un jeu loin d’être équitable puisque, en moyenne, 80 % des utilisateurs perdent tout l’argent investi, sachant que l’inscription nécessite un acompte minimum de 250 livres. Une fois au courant de la combine, c’est à leur tour d’arnaquer de nouveaux néophytes. La proie se transforme en prédateur et ainsi de suite. Le tout sans autre obligation que d’avoir une adresse mail et un compte en banque, quitte à prendre les coordonnées de ses parents. Les jeunes se prennent d’autant plus facilement au jeu qu’il crée un sentiment d’appartenance à une communauté, si ce n’est une élite, dont les trophées s’affichent sur Instagram. Trophées qui permettent d’ailleurs de diluer la publicité faite pour les produits financiers douteux et échapper ainsi à la vigilance des régulateurs.

Résultat : le hashtag #richkidsofinstagram compte plus de 500 000 occurrences. Le montant de la fraude est estimé à 59 millions de livres, selon la National Fraud Authority. Des chiffres impressionnants pour une activité dont la promotion sur les réseaux sociaux est clairement illégale. Selon la réglementation britannique, on ne peut pas vendre ce type de produit aux jeunes. De plus, le jeu ne peut pas être offert comme un moyen de gagner de l’argent. Malgré ça, les autorités ne se sont jamais données les moyens de mettre fin à ce fléau. La faute à une régulation nationale encore trop permissive alors que l’Autorité européenne des marchés financiers a serré la vis en interdisant la vente des options binaires et en limitant le marketing et la distribution de ce type de produits aux clients vulnérables.

Cela annonce-t-il la fin des « jeunes loups de la finance » d’Instagram ? Non. Aux dernières nouvelles, ils seraient en train de se reconvertir dans le business des cryptomonnaies.

Article de Thierry Randretsa

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