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Brève histoire de Vero, le réseau social qui a eu son quart d’heure de célébrité

Vero, le réseau social
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L’histoire avait pourtant bien commencé. Elle prenait la voie d’une de ces success stories qui alimentent les conversations et font rêver les apprentis entrepreneurs. Tous les éléments du script étaient en place avec son gentil et ses méchants, son faible et ses forts, son David et ses Goliaths. Dans le rôle de ces derniers, les infâmes GAFAM, et particulièrement l’ignoble Facebook. Ce colosse aux deux milliards d’utilisateurs n’avait pas son pareil pour violer leur vie privée et les inonder de publicité en recourant perfidement et en masse à leurs données. Face à ces violations manifestes des droits les plus élémentaires de la personne humaine, un preux chevalier venu de nul part venait bousculer l’ordre établi, droit dans ses bottes, la morale chevillée au corps.
Son nom : Vero.


Vero l’infini et au-delà


Son arme ? L’authenticité de ses échanges. Lors de son lancement en juillet 2015, son fondateur, l’entrepreneur Ayman Hariri, avait affirmé vouloir « humaniser les relations en ligne ». D’où le nom « Vero », tiré du latin, qui signifie « véritablement ». Pour ce faire, ses créateurs (Hariri plus Motaz Nabulsi et Scott Birnbaum) promettaient de ne pas recourir aux techniques déloyales de ses adversaires comme l’exploitation des données des personnes inscrites ou l’affichage de publicités.

Comme tout héros digne de ce nom, Vero connût une traversée du désert. Et pour cause, à l’écran, rien ne le distingue vraiment de la concurrence. C’est un réseau social tout ce qu’il y a de plus banal avec son profil, ses outils de partage, ses « likes » et ses commentaires. Mais c’était sans compter sur l’ingéniosité de Vero qui compensa son parc d’utilisateurs restreints par une campagne marketing qui fît mouche fin 2017, début 2018. Exaspérés par l’évolution des médias sociaux, plusieurs influenceurs sonnèrent le tocsin de la révolte. L’ironie est qu’ils le firent sur ces plateformes tant décriées. Mais dans cette guerre contre les GAFAM, tous les moyens étaient bons pour réussir, y compris retourner l’arme de l’ennemi contre lui-même.

Autre spécificité de cette insurrection 2.0 : la cause de la mobilisation n’était pas le progrès accusé justement d’être à l’origine du mal. Fichtre ! Faut-il parler de contre-révolution ? Non, il serait plus juste d’évoquer ce sentiment noble qu’est la nostalgie. Émanait des appels au peuple la mélancolie des temps anciens où les gens entretenaient des relations saines et authentiques sur les réseaux sociaux. L’époque bénie des interfaces simples, des « pokes » innocents et des fils d’actualité exempts de manipulations algorithmiques.

Toujours est-il que ces prophètes des temps modernes touchèrent une corde sensible. Très rapidement, Vero enregistra des milliers et des milliers de nouveaux utilisateurs. Fin stratège, il proposa l’inscription gratuite pour le premier million d’inscrits alors que l’application reposait sur un système d’abonnement payant. Il n’en fallait pas plus pour que les compteurs des App Stores explosent.

Avec déjà plus de trois millions d’utilisateurs, Vero pouvait voir l’avenir en rose.


Haro sur Vero


Mais toutes les histoires, aussi belles soient-elles, ont une fin. Pour Vero, les choses ont commencé à se gâter au moment même de son succès. Ainsi, le réseau social n’avait pas les reins suffisamment solides pour gérer l’afflux massifs de nouveaux usagers. Bugs, erreurs et blocages ont été le lot de nombre d’entre eux. Passé le moment de hype, la réalité s’avérait moins reluisante.

Plus grave, les promesses de respect de la vie privée ne sembleraient qu’être un leurre servant d’argument marketing avant que certains découvrent le pot aux roses. En l’espèce, l’application collecte bien des données que ce soit les coordonnées ou l’adresse IP. Par ailleurs, il est clairement énoncé dans sa politique de confidentialité que les données amassées, entre autres, à travers les cookies, le fichier de journal ou les identifiants de l’appareil sont utilisées pour « personnaliser les contenus et informations » visibles sur le réseau social (qui n’est pas censé être gouverné par un algorithme) et pour de la publicité externe au service.

Sentant le vent tourné, les socionautes ont commencé à vouloir quitter Vero. Seul hic : la désinscription ne se fait pas automatiquement mais par le biais d’une demande adressée aux administrateurs de la plateforme qui doivent l’étudier. Pire : il s’avère qu’après fermeture du compte, les publications qui lui sont associées… restent visibles !

Finalement, c’est le fondateur Ayman Hariri qui est venu porté le coup de grâce faisant voler en éclat ce qui restait du vernis éthique si fièrement mis en avant. Par le passé, Hariri a été à la tête d’une entreprise de construction, Saudi Oger, accusée d’avoir fait travailler illégalement des migrants. Visée par 31 000 plaintes de non-versement de salaires, l’entreprise est aussi connue pour avoir restreint l’accès à l’alimentation et aux soins sur certains chantiers.

Et au tour des internautes de s’emparer de l’histoire avec moult messages d’indignation articulés cette fois autour d’un mot d’ordre : #DeleteVero.

En définitive, nul doute que Vero rejoigne la cohorte des réseaux sociaux qui se sont fait connaître le temps d’un buzz avant de sombrer dans l’oubli. Ce n’est pas pour autant qu’il faut jeter le discrédit sur l’ensemble d’entre eux. D’aucuns, à l’instar de Mastodon, parviennent à remplir leur office tout en tenant leur engagement éthique.


Article rédigé par Thierry Randretsa

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