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Pour lutter contre le complotisme, Youtube utilise Wikipédia

Youtube s'associe à Wikipédia
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Dans la lutte contre la désinformation, chaque plateforme avance ses propres solutions. Twitter mise sur la transparence via la certification. Facebook modifie son fil d’actualité pour le centrer sur la famille et les amis.

Wikipédia à la rescousse de Google

De son côté, Youtube a décidé de faire appel à un acteur de poids : l’encyclopédie en ligne Wikipédia. L’annonce a été faite au cours du festival South by Southwest (SXSW) à Austin (Texas) au cours d’un entretien entre Susan Wojcicki et le journaliste de Wired Nicholas Thompson le mardi 13 mars. Concrètement, une page Wikipédia ou un lien renvoyant vers ce site accompagnera les vidéos complotistes portant sur certains sujets fixés préalablement par Youtube. Par exemple, on peut citer l’alunissage de la mission Apollo en 1969 ou les traînées blanches laissées par les avions dans le ciel (les « chemtrails »).

Là où Facebook opère un choix drastique et vertical, quitte à ce que des entreprises y laissent des plumes, Youtube fait appel à l’intelligence de l’internaute. En effet, les contenus en question ne seront pas supprimés. Ils se verront juste joindre des informations additionnelles, un peu à la manière d’une note de bas de page dans un livre. Pas sûr que cela soit suffisant pour changer la donne.

« Un moindre mal » contre le complotisme

Dans quelle mesure cet éclairage sera pris en compte par l’internaute ? N’y a-t-il pas un risque de produire un effet Streisand typique des théories du complot en attirant l’attention sur des contenus « toxiques » qui seraient restés dans l’oubli sans ces « signaux d’information » pour reprendre le terme de Wojcicki ? Cette mesure peut apparaître comme de la cosmétique alors que le nœud du problème selon certains experts est l’algorithme de recommandation de Youtube. Celui-ci n’a pas été fait pour alimenter l’esprit critique mais pour pousser l’internaute à passer du temps sur la plateforme. Autrement dit, il lui donne ce qu’il a envie de voir et d’entendre, l’enfermant dans une bulle de filtre. C’est tout le problème du design de ces plateformes avant tout guidées par la captation de l’attention de ses utilisateurs.


D’un autre côté, Youtube se considère comme un hébergeur. Agir sur l’algorithme conduirait à influencer le contenu et donc à devenir un éditeur avec toutes les obligations qui vont avec. Dans les faits, Youtube a déjà été amené à sanctionner un Youtubeur comme Paul Logan pour violation de ses règles d’utilisation en démonétisant sa chaîne et en suspendant ses contrats en cours avec le média social. Mais celui-ci intervient au cas par cas et généralement après une controverse fortement médiatisée. C’est le cas récemment d’une vidéo à succès qui accusait un des survivants de la tuerie de Parkland d’être un acteur et d’avoir été « entraîné » par la chaîne CNN. Si le contenu a été retiré des tendances, les autres vidéos de la chaîne pas moins conspirationnistes n’ont jamais été inquiétées. Cet exemple illustre aussi la problématique technique à laquelle fait face Youtube avec quantités de vidéos potentiellement virales publiées chaque heure (pour ne pas dire plus) qu’il est difficile de contrôler.

Par conséquent, l’« éclairage » apparaît comme un moindre mal pour concilier la responsabilité sociale de l’entreprise, ses impératifs économiques et le respect de la liberté d’expression. Une solution à moindre coût également : il est étonnant de voir un géant du web comme Google (qui possède Youtube) recourir aux services d’un projet… libre d’accès ! D’ailleurs, l’annonce de Wojcicki a donné lieu à un léger quiproquo car, peu après, la fondation Wikimédia a publié un communiqué indiquant ne pas avoir été avertie de cette annonce et niant tout partenariat formel avec Youtube. Tels sont les aléas du « contenu librement autorisé (…) réutilisé par tout le monde », y compris par Google.

Article de Thierry Randretsa

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