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Ce qu’il faut savoir sur la future loi contre les fake news

Loi anti fake news en France
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À peine trois mois après son annonce par le Président de la République lors de la cérémonie des vœux du Nouvel An à la presse, le texte de la « loi relative à la lutte contre les fausses informations » est prêt. Il devrait être déposé prochainement sous la forme d’une proposition de loi par un député membre de la commission des affaires culturelles. La procédure permet de réduire les possibilités de saisine du Conseil d’État tout en écartant l’obligation de fournir une étude d’impact.

En introduction, le texte de loi fait le constat de « campagnes massives de fausses informations destinées à modifier le cours normal du processus électoral par l’intermédiaire des services de communication en ligne ». C’est parce que le droit existant n’a pas permis le retrait rapide des contenus en ligne diffusant ces fake news qu’une nouvelle législation s’impose. Celle-ci doit donner les moyens de « contrecarrer d’éventuelles opérations de déstabilisation qui pourraient survenir lors des prochaines échéances électorales ».


Un référé pour mettre fin à la diffusion des fausses nouvelles


La mesure phare pour tuer dans l’œuf la viralité d’une fausse information  au cours d’une période électorale est la fameuse procédure de référé déjà évoquée par Emmanuel Macron et la Ministre de la culture Françoise Nyssen. Énoncée dans un futur article 163-2 du Code électoral, elle ne concerne que les « fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir ». De plus, elles doivent être diffusées « artificiellement » et de « manière massive ». Si le marché des faux profils gérés par des bots a récemment fait scandale, il ne faut pas oublier la dimension humaine prépondérante dans l’orchestration d’une campagne de fake news, du stratège en relations publiques aux nombreux supporters en passant par les influenceurs. Les gens peuvent publier, commenter, « liker » en masse des fake news sans pour autant être conscient d’ailleurs de leur caractère fallacieux. Toujours est-il que la condition de la diffusion artificielle interroge. De même, que recouvre le critère de la masse : est-ce le budget consacré à l’opération ou faut-il faire le constat d’une diffusion effective de masse ? À partir de quel moment ce seuil doit être considéré comme atteint ?

C’est au juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris qu’incombera exclusivement la charge de répondre à ces questions délicates en raison du « caractère national de l’écho donné à la diffusion massive des fausses informations ». Il aura 48 heures pour le faire ce qui semble trop long considérant le potentiel de viralité d’internet. Les fausses informations auront largement le temps de remplir leur office si elles interviennent peu avant la fin de l’échéance électorale. En même temps, 48 heures ne semblent pas de trop pour juger quand même ce qui relève du vrai et du faux, sachant que la frontière entre fake news, désinformation et information peut être ténue. Si toutes les conditions sont remplies, le juge pourra prendre « toutes mesures aux fins de faire cesser cette diffusion » : déréférencement du site d’accueil, retrait des contenus litigieux ou encore blocage de l’accès aux adresses électroniques des services de communication en ligne mis en cause.

Cette procédure sera également valable pour les élections sénatoriales et européennes.


De la transparence censée en dire long sur les diffuseurs d’informations via des contenus sponsorisés


Parce que le problème des fake news ne se limite pas aux échéances électorales, la proposition de loi prévoit des nouvelles obligations de transparence à l’égard des opérateurs de plateforme en ligne « dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions sur le territoire français » (sans que ce seuil soit, pour l’instant, défini). Typiquement, ce sont les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter & Cie qui sont dans le collimateur de ce nouvel article 163-1 du Code électoral. Ceux-ci devront « donner à l’utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l’identité et la qualité de la personne physique et morale ainsi que de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant elle agit, qui [leur] verse des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information ». Au-delà d’un certain seuil (qui sera fixé par décret), le montant devra être rendu public. Le but est de donner aux utilisatrices et utilisateurs de ces plateformes des « indices » (pour reprendre le terme de la Ministre de la Culture sur France Inter) sur l’origine, l’identité et éventuellement le dessein de l’auteur de la campagne d’information. La violation de ces obligations sera punie d’une amende de 75 000 euros et d’un an d’emprisonnement.


Le CSA mis en avant


Par ailleurs, la loi relative à la lutte contre les fausses informations prévoit d’étendre les pouvoirs du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Dorénavant, il aura la possibilité de refuser de conclure une convention avec un service n’utilisant pas des fréquences hertziennes selon les nouvelles dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. En outre, il pourra refuser une convention de diffusion à une chaîne au cas où elle est liée ou sous l’influence d’un État étranger dont les activités sont susceptibles de « porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses nouvelles ».

En période électorale, le CSA pourra suspendre une chaîne contrôlée par un État ou sous son influence si « les agissements en cause ont pour objet ou pour effet d’altérer la sincérité du scrutin à venir ».

Autre attribution du CSA : le référé administratif auprès du Conseil d’État par lequel l’organisme indépendant pourra demander au responsable d’un service de communication de se mettre en conformité avec ses obligations en cas de violation de ces dernières. Le juge aura alors le pouvoir de suspendre en urgence la diffusion d’un service pour les mêmes motifs que ceux fondant le CSA à résilier une convention.


Une coopération accrue des intermédiaires techniques


Enfin, le devoir de coopération des intermédiaires techniques sera renforcé. Il leur sera imposé de retirer promptement tout contenu illicite porté à leur connaissance, mettre en place un dispositif permettant à tout un chacun de relayer des contenus constitutifs de fausses informations et d’informer les pouvoirs publics (vraisemblablement le CSA) des signalements relatifs à ces publications. Les prestataires devront aussi rendre publics les moyens alloués à la lutte contre les fake news.


Article de Thierry Randretsa

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